Le profilage et la prise de décision automatisée : entre innovation et protection des droits
Dans l’ère numérique actuelle, le profilage des utilisateurs est devenu un outil essentiel pour de nombreuses entreprises et organisations, leur permettant de mieux comprendre leurs clients et de personnaliser leurs produits et services.
Cependant, cette pratique soulève des préoccupations majeures en matière de protection de la vie privée et des droits des individus, ces procédés pouvant entraîner des analyses erronées et des prédictions inexactes, voire conduire à des décisions défavorables aux individus, contribuant ainsi à restreindre les choix des personnes.
Les exigences introduites par la règlementation sur la protection des données à caractère personnel visent ainsi à réduire ces risques en imposant des obligations spécifiques aux organismes utilisant le profilage et en accordant des droits renforcés aux individus concernant de tels traitements des données.
Qu’est-ce que le profilage ?
Défini à l’article 4 du RGPD 1, le profilage consiste en tout traitement automatisé reposant sur données personnelles dans le but d’évaluer des aspects personnels relatifs à la personne, voire d’analyser et de prédire des aspects concernant par exemple le comportement de la personne, ses intérêts, ses déplacements, etc., afin de faire des prédictions ou encore de prendre des décisions à son sujet.
A titre d’exemple, le profilage est utilisé dans certains traitements médicaux, en appliquant l’apprentissage automatique pour prédire la santé des patients ou la probabilité de réussite d’un traitement pour un patient donné, sur la base de certaines caractéristiques du groupe.
La prise de décision automatisée constitue quant à elle en le processus visant à prendre une décision par des moyens automatisés sans aucune intervention humaine. Ces décisions peuvent être basées sur des données factuelles, sur des profils créés numériquement ou encore sur des données déduites. Il peut s’agir par exemple d’un test d’aptitude utilisé pour le recrutement qui utilise des algorithmes et des critères préprogrammés.
Il est important de souligner que même si la prise de décision automatisée est souvent associée au profilage, cette corrélation n’est pas systématique. Une décision peut être prise sans recourir à un processus de profilage, et inversement, le profilage ne conduit pas nécessairement à une prise de décision automatisée.
Quels sont les avantages et les risques du profilage ?
Le profilage et la prise de décision automatisée peuvent être bénéfiques pour les organisations et pour les individus dans de nombreux secteurs, tels que les soins de santé, l’éducation, les services financiers et le marketing. Ces process peuvent conduire à des décisions plus rapides et plus cohérentes, en particulier dans les cas où un très grand volume de données doit être analysé et où des décisions doivent être prises très rapidement.
Bien que ces techniques puissent être utiles, elles présentent des risques. En effet, le profilage est souvent invisible pour les individus et ces derniers peuvent ne pas s’attendre à ce que leurs données soient traitées de cette manière. De plus, ils peuvent ne pas saisir le fonctionnement du processus, ni les conséquences potentielles, surtout que les décisions prises peuvent entraîner des conséquences négatives importantes pour certaines personnes. Les résultats émis ne constituent que des hypothèses sur le comportement ou les caractéristiques d’une personne et il y aura toujours une marge d’erreur.
Face à ces défis, il est nécessaire de trouver un équilibre entre innovation et la protection des droits individuels. Les entreprises et leur Délégué à la Protection des Données (Data Protection Officer) doivent mettre en place des politiques et des pratiques de profilage responsables, garantissant le respect de la vie privée des personnes concernées et la prévention de toute forme de discrimination.
Quelles exigences RGPD relatives au profilage ?
Chaque opération de profilage nécessite une vigilance accrue, car elle engendre intrinsèquement des risques significatifs pour les droits et les libertés individuels. Ainsi, les mesures prévues par le Règlement Général sur la Protection des Données doivent être pleinement intégrées à ces processus. L’article 22 du RGPD 2 introduit le principe selon lequel la personne concernée a le droit de ne pas faire l’objet d’une décision fondée exclusivement sur un traitement automatisé, y compris le profilage, produisant des effets juridiques la concernant ou l’affectant de manière significative de façon similaire.
Des exceptions existent à cette interdiction générale, selon lesquelles un tel processus est toléré dans le cas où la décision est autorisée par un texte légal de l’UE, est nécessaire dans le cadre d’un contrat ou encore lorsque la personne a consenti à ce traitement. Dans ces deux derniers cas, il est exigé de mettre en place des mesures appropriées afin que les droits, libertés et intérêts légitimes de la personne soient respectés. La personne doit ainsi avoir le droit d’obtenir une intervention humaine de la part du responsable de traitement et de contester la décision.
Une autre limitation concerne les données sensibles qui ne peuvent être utilisées pour élaborer de telles décisions sauf dans le cas où le traitement en question repose sur le consentement de la personne ou sur des motifs d’intérêt public important.
Dans tous les cas, une information doit être transmise à la personne concernée au sujet de l’existence d’une prise de décision automatisée ou d’un profilage, sur la logique sous-jacente, sur l’importance d’un tel traitement et sur les conséquences prévues pour la personne concernée.
Aussi, les personnes doivent pouvoir exercer leur droit d’opposition à ce que leur profil soit utilisé à des fins de marketing. Elles doivent ainsi être informées de l’existence ce droit et de la manière de l’exercer.
Sources
1 RGPD article 4, Site de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
2 RGPD article 22, Site de la CNIL